La situation de la ville de Monthey, connue pour son important site chimique, nous incite à nous poser la question relative au transport de produits dangereux. Ceci, tout spécialement, suite à l’accident ferroviaire survenu, il y a quelques jours, sur la ligne CFF Lausanne-Yverdon.
Plusieurs wagons-citernes ont déraillé et se sont couchés, à cause, selon les premiers éléments de l’enquête, d’un wagon mal entretenu. L’un contenant de l’acide chlorhydrique, a incommodé des spécialistes, lors du transfert de son contenu. L’acide sulfurique d’un autre wagon s’est écoulé sur et dans le sol, ce qui nécessitera d’importantes opérations de transfert de terre souillée, et sa décontamination.
Depuis de nombreux mois à Genève, diverses voix parmi les autorités, soucieuses des risques liés aux transports ferroviaires de matières dangereuses, ont extrapolé leurs analyses vers le transport de chlore, encore plus dangereux que les produits mentionnés ci-dessus. Chacun sait que ces wagons, en provenance de Lyon, transitent en Suisse romande, à destination de Bâle et du Valais. Les usines de Viège et de Monthey constituent les deux principaux clients valaisans du fournisseur français.
Comment en est-on arrivé là ?
Pour ce qui concerne Monthey, il s’agit d’un revers de l’histoire. A ses débuts, l’usine chimique locale a été développée par des investisseurs bâlois, grâce à la proximité des salines de Bex (chlorure de sodium) et des ressources hydro-électriques valaisannes.
Depuis plus de 50 ans, soit jusqu’en 2002, Monthey a produit des milliers de tonnes de chlore par le processus dit d’électrolyse d’une solution saline épurée. Cela fournit du gaz chlore et, parallèlement, de l’hydrogène, en plus de soude caustique, tous produits de base pour l’industrie chimique. La plus grande partie du chlore était utilisée par l’usine elle-même, et celle d’hydrogène était livrée à l’entreprise Djevahirdjian, pour la production de ses pierres scientifiques de synthèse.
Monthey n’a jamais connu de problèmes d’intoxication ou de pollution de voisinage dus à sa production et à l’utilisation locale de chlore.
Au début des années 2000, la nouvelle structure de l’usine chimique, soit la constitution de quatre entités différentes, a entraîné un réexamen de la situation liée à la production locale de ce gaz.
Pour des raisons essentiellement économiques, il a été décidé de démanteler les installations d’électrolyse du sel, et d’acquérir dorénavant le chlore nécessaire d’un fournisseur externe. Bien qu’au niveau industriel, le prix du chlore, qui se monte à quelques dizaines de centimes par kilo, apparaît comme marginal dans le coût de production des spécialités à haute valeur ajoutée (pharmaceutiques, agrochimie, cosmétiques, colorants, et certains produits d’entretien..).
Ainsi, pour la Suisse, un transport de wagons de chlore a été intensifié, depuis lors, entre Genève et Monthey, à travers l’arc lémanique. Avec tout ce que cela comporte de dangers divers, sans oublier la manipulation, le tri et le stockage temporaire de ces citernes entre Genève et le Valais.
A Genève, il en résulte d’importantes limitations de constructions immobilières en bordure de voies CFF. Et à Monthey, l’arrivée de citernes de chlore a notamment
provoqué une prise de conscience de nombreux citoyens. Ils ont demandé à la commune, par voie d’initiative, d’intervenir pour éviter la présence de tels wagons dans le voisinage des habitations et des écoles.
De cette nouvelle donne en matière d’approvisionnement de chlore, est née l’idée d’une modification de la voie CFF vers le Pont Rouge, sur laquelle est venu se greffer un projet de « Terminal rail-route ». Les investissements nécessaires à cette réalisation sont actuellement déjà budgétisés, pour la seule Commune de Monthey, à plus de Fr. 7'000'000.— ! Le coût total de cet ouvrage devrait être supérieur à Fr. 40'000'000.--. Les Autorités communales ont donc, jusqu’ici, accepté, ipso-facto, le principe, nouveau, de fournitures de chlore par wagons-citernes, sur notre territoire.
Confrontés à ces nouvelles considérations liées à la sécurité des transports de produits dangereux, il devient évident qu’un réexamen de la situation s’impose. Par exemple, le retour à la production, sur site, du chlore et de ses sous-produits. Il existe des procédés largement éprouvés, si l’on veut renoncer à l’ancien processus basé sur des électrodes à mercure. Ainsi, à notre avis, le site chimique devrait obtenir des offres pour des procédés modernes, en fonction de ses besoins annuels et instantanés.
De plus, la fourniture de sel en solution est acquise depuis fort longtemps, et les conduites reliant Bex à Monthey existent.
Pour la Commune de Monthey, le fait de renoncer aux risques liés à la manipulation et à la vidange de citernes de chlore disparaîtrait. Et, avec elles, une sacrée épée de Damoclès sur nos têtes ! Car il est inutile de rappeler ici que le chlore a largement été utilisé comme gaz de guerre... .
En considérant les sommes prévues par la Commune de Monthey, celles proposées par le Conseiller d’Etat Genevois Hodgers (participation de son canton), celles que pourraient apporter les cantons de Vaud et du Valais, ainsi que la part prépondérante de l’industrie chimique locale, ainsi que son besoin de pérennité, le coût d’une nouvelle installation de production locale ne s’avèrerait en aucun cas prohibitif.
Refuser d’entrer en matière face à autant de questions portant sur la sécurité d’une aussi importante région de Romandie est inconcevable. On est donc en droit de compter sur la sagesse et le réalisme de l’industrie chimique locale et des politiques pour apporter une réponse appropriée à cette question vitale pour tous.
Nul doute que les directions locales des entreprises concernées par cet important sujet, sauront convaincre leurs hiérarchies respectives pour que, indépendamment des lieux de décisions, elles prennent, à la fois, pleine conscience des risques industriels, et de nos inquiétudes.
S’associant aux craintes de nombreux citoyens de nos régions, le Mouvement de l’Entente pour Monthey attend, de la part des élus et des entrepreneurs concernés, une prise de position sécuritaire et volontariste, en reléguant, aujourd’hui et à leur juste niveau, les considérations financières liées aux coûts de cette « commodité » qu’est le chlore.